Prise en charge

Prise en charge

« Lors d’une arrivée aux urgences, l’infirmière m’oblige à effectuer un test de grossesse lorsque j’ai des douleurs abdominales. Je lui explique que j’ai une copine et que je n’ai pas eu de relations avec des hommes dans les dernières années, elle me dit qu’avec mon genre de personne libertines (dans son vocabulaire : lesbienne), elle préfère être sûre »

Témoignage tiré de l’enquête belge Go To Gyneco ! de O’YES et Tels Quels 2018

Certain·es professionnel·les ne pensent pas que leur attitude puisse être influencée par des critères extérieurs tels que l’attirance sexuelle et romantique car iels ont la volonté d’accueillir chaque patient·e de la même manière, peu importe son attirance. Cette attitude des clinicien·nes est représentée dans la littérature comme le « sexual orientation blindness » qui est le désir de rester neutre durant la consultation (Gosselin, I., 2021).  Toutefois, une étude en France a montré que 89.7% des médecins généralistes réalisaient un follow-up gynécologique différent selon l’attirance romantique/sexuelle des patient·es, notamment pour le dépistage du cancer du col (Bayens et al, 2020). De plus, une prise en charge dite “universelle” ne prend pas en compte les discriminations que peuvent vivre certaines personnes dans une société inégalitaire, et donc les spécificités de santé qui en découlent. En effet, celle-ci nie l’impact des discriminations/stigmatisations sur la santé des personnes et contribue donc à les perpétuer (McNair Rp et al, 2010). En outre, il ne faut pas nier l’hétéronormativité de notre société et son impact sur notre façon de percevoir le monde et les personnes autour de nous.

L’hétéronormativité

L’hétéronormativité ou hétérocentrisme est une manière de penser et d’agir qui place l’hétérosexualité comme la norme, et par conséquent marginalise les autres attirances romantiques et sexuelles. Cette perspective suppose que tout le monde est hétérosexuel·le et que la norme de la famille nucléaire composée d’un papa et d’une maman est naturelle et universelle. Elle invisibilise alors les schémas relationnels, les attirances et les autres réalités qui sortent de cette norme.

L’hétéronormativité est très répandue dans la société, y compris dans le milieu médical. En effet, bien que la situation sociale des personnes LGBTQIA+ se soit améliorée, la santé et la fréquentation des services de soins sont toujours affectées par ces effets de marginalisation. 

Plus concrètement, les soignant·es partent généralement du principe que leur patient·e est hétérosexuel·le. Cela s’appelle “la présomption à l’hétérosexualité”. Celle-ci est un frein à la relation clinicien·ne-patient·e et à la délivrance de soins de qualité (Baldwin et al, 2018). En effet, mener une consultation avec des questions ou des présupposés hétéronormatifs induit que les patient·es devront corriger le ou la soignant·e. Celleux-ci devront alors choisir de faire leur coming out ou de rester dans cette présomption d’hétérosexualité, ce qui peut créer des situations inconfortables, voire traumatisantes, et compliquer la transparence dans la relation médicale.

Par ailleurs, cette présomption d’hétérosexualité est d’autant plus fréquente lorsque certains sujets sont abordés, tels que l’évaluation des risques liés aux IST, la parentalité, les risques liés à la grossesse ou encore les violences au sein des relations.

« Refus de présence de la co-mère pendant la période COVID par le garde à l’entrée.
« Seuls les papas sont autorisés » a-t-il dit.
L’hôpital a transmis des excuses et nous a assuré avoir transmis des instructions à son sous traitant. »

Témoignage tiré de l’enquête PMA Go To Gyneco ! de O’YES (2023)

Enfin, les soignant·es, étant elles/eux-mêmes hétéronormatifs, pourraient avoir des attitudes discriminatoires envers les patient·es LGBTQIA+. Cela peut se manifester sous la forme de stigmatisation, d’incompréhension, de préjugés, de mauvaise communication ou de refus de fournir des soins appropriés. Cette attitude peut également empêcher les patients LGBTQIA+ de chercher des soins de santé en raison de la crainte d’être maltraité·s ou incompris·es.

Ne pas partir du principe que la/le patient·e est hétérosexuel·le permet de faciliter la parole de celle ou celui-ci concernant ses attirances ou pratiques. Pour obtenir des exemples et conseils concrets, vous pouvez vous référer à l’onglet “Trucs et astuces”.

La question du Coming out médical

Le saviez-vous ?

Pouvoir parler librement de ses attirances et pratiques peut entraîner une hausse de qualité des soins ! De plus, selon notre enquête réalisée en 2022 sur les besoins des personnes lesbiennes, bies & co, 80,1% des répondant·es souhaitent que les professionnel·les de la santé soient au courant de leur attirance romantique/sexuelle.

En effet, cela permet de mieux appréhender les réalités de la/du patient·e et de prendre en compte certaines spécificités de santé qui y sont liées.

Dans les faits, peu de professionnel·les osent questionner l’attirance sexuelle et/ou romantique de leurs patient·es. Certain·es estiment que c’est aux patient·es que revient la responsabilité de se dévoiler. Toutefois, ne pas aborder le sujet peut renvoyer le message que l’homosexualité ou la bisexualité sont un sujet tabou ou pas accepté.

Avant le coming out, il y a le coming in : c’est-à-dire le fait de réussir à réaliser et d’accepter (totalement ou partiellement) son attirance sexuelle/romantique comme non hétéro. Le coming in ne se fait pas du jour au lendemain, c’est un processus qui peut s’étaler sur plus ou moins de temps selon les personnes et leur environnement. La personne peut ensuite soit garder cela pour elle, par peur du rejet, de discrimination, par volonté de discrétion ou tout simplement parce qu’elle n’a pas envie de partager l’information. Soit, elle peut choisir de faire son coming out et de révéler à son entourage et/ou au personnel médical son attirance sexuelle/romantique. Par ailleurs, il n’y a pas un coming out, mais bien plusieurs. Cela peut se présenter à chaque nouvelle rencontre (Champagne, S., 2020).

Les personnes lesbiennes, bies, pans & co se retrouvent alors face à un dilemme, le dire ou ne pas le dire ?

“Est-ce utile de faire mon coming out ?

Y a-t-il plus d’avantages ou d’inconvénients à le dire ?

La réaction des professionnel·les sera-t-elle négative ?

L’accueil et les soins vont-ils en pâtir ?”

→ C’est ce qu’on appelle la balance des risques.

Différents trucs et astuces peuvent être mis en place pour favoriser le coming out de vos patient·es. En voici un exemple : nous proposons une phrase, co-construite suite aux résultats du questionnaire d’évaluation de 2022 et avec l’équipe de volontaires de Go To Gyneco! Elle permet de faire un état des lieux de la sexualité de vos patient·es et potentiellement leur permettre de faire leur coming out :

“J’aimerais vous poser quelques questions à propos de votre santé sexuelle. Ce sont des questions personnelles mais importantes que je pose à tous·tes mes patient·es. Êtes-vous d’accord pour que nous abordions ce sujet ? Il n’y a pas d’obligation de réponse. Par ailleurs, n’hésitez pas à me corriger si j’utilise des termes qui ne correspondent pas à votre situation.”

Il est également possible de demander à un·e nouveau/nouvelle patient·e comment iel a eu vos coordonnées. En effet, si la personne mentionne Go To Gyneco! comme référence, cela peut-être vu comme un coming out indirect.

Que faire si votre patient·e fait son coming out ?

Il est bon de savoir que chaque partage sera accompagné d’une histoire et d’émotions différentes. Certaines personnes pourront effectivement voir cela comme un coming-out, d’autres n’osent pas toujours en parler avec leur équipe soignante de peur d’être mal comprises, jugées ou discriminées. D’autres encore trouveront cette information banale et en parleront de façon décomplexée.

Les vécus étant multiples, l’écoute et l’empathie sont encore une fois bien nécessaires pour accueillir la personne dans sa réalité et avec son propre vocabulaire.  Votre réaction à cette information peut se calquer sur l’attitude du/de la patient·e : 

  • Pas besoin d’en faire un événement si la personne l’évoque de façon banale 
  • Être attentif·ve si la personne semble fébrile ou hésitante lorsque le sujet est abordé
  • Ne pas utiliser un terme que la personne n’a pas utilisé pour elle-même mais plutôt reprendre ses mots

Attention, cette information fait partie du secret médical et ne doit pas être divulguée, même aux parents/proches de votre patient·e car vous ne savez pas quelle pourrait être leur réaction. De plus, le outing peut être considéré comme du harcèlement selon la loi et est donc punissable.

Et puis, il n’est pas toujours utile que ce sujet soit abordé ! Mais lorsque cela se présente, il se peut que certaines personnes redoutent la réaction du ou de la soignant·e. Les témoignages sont encore malheureusement nombreux pour démontrer qu’iels peuvent être confronté·es à un manque d’informations voire à des propos et/ou injonctions problématiques en lien avec leur attirance.

Différents conseils sont donc repris dans l’onglet “Trucs et astuces” pour créer un terrain fertile à la discussion autour de ces thématiques et ainsi faciliter/favoriser le coming out de la personne.

Qui dit coming out, dit prise en considération des spécificités de la patientèle lesbienne, bie, pan & co et donc une meilleure prise en charge ! 

En dehors de l’approche bienveillante et ouverte, ces témoignages démontrent l’utilité d’être informé·e et formé·e en tant que professionnel·le de la santé. Et d’ici-là, pas de honte à ne pas connaître tous les sujets. Voici quelques pistes pour permettre tant à la personne qu’à vous-même de se sentir à son aise :

  • Faire preuve d’humilité et de tact ;
  • Expliquer à la/le patient·e que vous ne maîtrisez pas le sujet et qu’elle n’hésite pas à vous reprendre au besoin ;
  • Recommander des collègues ou ressources appropriées ;
  • Dire que vous allez vous renseigner et le faire ;
  • Dire que vous êtes à l’écoute s’iel souhaite vous en parler, sans obligation ;

Si vous souhaitez suivre notre formation, vous pouvez nous contacter aux adresses suivantes : activites@telsquels.be ou cecilia@o-yes.be.


Pour toutes les questions relative aux personnes transgenres ou non-binaires, nous vous invitons à télécharger le “Guide de santé sexuelle pour les personnes trans et les amant·e·s” de l’ASBL Genres Pluriels sur www.genrespluriels.be/Guide-de-sante-sexuelle ou à les contacter directement via l’adresse suivante : support@genrespluriels.be.